Autobiography & Memoir
Jilliana's Vignettes
Jilliana's Vignettes
Souvenirs de Paris
La Cité de la culture et des lumières a été mon havre spirituel pendant 25 ans. Paris était mon amant et mon mentor. Une ville de livres et de littérature, de conversations et d’observations, d’art et de culture, de mode et de style. Une capitale internationale de gastronomie où il est impossible d’ignorer la nourriture et le vin et de ne pas s’y adonner.
La ville où j’ai fait la rencontre de gourmets, de critiques gastronomiques, de poètes, de photographes et de moi- même: Jilliana. Une ville qui m’a donné mon identité et un métier que j’exerçai pendant 30 ans. Une ville où les collectionneurs et les marchands d’art se retrouvaient tous les weekends dans les foires d’antiquités et aux puces dans ce monde fou et irréel des objets anciens de collection.
Mon salon préféré était celui des papiers anciens d’abord à la Bastille puis déplacé Porte de Champerret. J’étais spécialisée dans l’Éphémère, les œuvres de jeunesse, les gravures et les livres ainsi que les formes d’art associées: le pré cinéma, les jeux et les puzzles, la publicité grand public et les emballages.
Paris entretenait mon monde enchanté. J’adorais ce monde avec tous ses personnages. Le vrai monde de la guerre et paix était à l’extérieur de ma bulle protectrice; je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs sauf si ça avait une répercussion sur ma feuille d’impôts.
Ma façon de m’habiller changea. Fini les longues jupes “maxi” de rigueur dans les années 70.
Les pantalons me séduisirent dans les années 80 et aujourd’hui encore d’une façon ou d’une autre à commencer par le style “Harem” du Maroc. Dans les années 80 j’étais séduite et influencée en particulier par la marque Sonia Rykiel. Des tuniques en velours noir et doré avec pantalon assorti et les coutures visibles à l’extérieur. combinant toujours le noir avec une autre couleur: rouge, argenté et bien sûr des bijoux fantaisie qui en jettent.
J’étais francifiée.
J’étais Parisienne. J’étais très rive gauche. J’étais chic avec mon manteau de fourrure renard argenté fait par mon fourreur polonais Mr Kummelrich , boulevard St Germain avec mon nom brodé à l’intérieur et une chapka en fourrure Jivaro assortie.
J’avais mon propre style et portais toujours un béret en laine rouge pour le marché aux puces du weekend, ma marque de fabrique.
Les marchands des puces de Montreuil m’appelaient même “chaperon rouge” ! Et m’assuraient t qu’ils me pardonnaient bien que mes ancêtres aient tué Jeanne d’Arc.
Malheureusement je pris du poids en mangeant non seulement les plats normands à la crème que j’affectionnais tant et des steaks-frites arrosés de vin rouge mais aussi des mets japonais , vietnamiens, cambodgiens, laotiens, et coréens. Je développais un palais plus raffiné. Plus parisien. Oh la la! Je devenais un vrai gourmet et ça se voyait à mon tour de taille. Adieu la svelte Jilliana.
Je me souviens avoir rencontré une Américaine blonde sophistiquée à la Coupole à Montparnasse qui m’invita à déjeuner chez elle dans le 14ieme.
Ce jour là, une bombe avait explosé chez Tati, le magasin des fringues bon marché dans le 18ieme et il y avait une alerte à la bombe dans le bureau de poste juste à côté de l’appartement de cette femme. La police avait interdit l’accès à la rue et je trouvais refuge chez un bijoutier. Je voulais vraiment rencontrer cette new-yorkaise qui me semblait cultivée et sophistiquée. Le déjeuner fut simple. Une salade composée avec une vinaigrette parfaite suivie d’un brie de Meaux accompagné d’une baguette croustillante de chez Poilâne , le tout servi avec un Beaujolais chambré.
Servez-vous! Dit-elle en désignant le Brie crémeux à point.
Ce fut la fin de notre amitié! Je pris le couteau à fromage et coupai la pointe du Brie sur le plateau en olivier. Elle s’écria avec dégoût : Jamais on ne fait ça! Mon Dieu! On coupe une tranche sur toute la longueur du fromage, autrement il ne reste que la croûte!
Je partis. Plus avisée. Je ne la revis jamais.
Je devins une femme d’affaire redoutable, voyageant de Londres à Paris avant que nos deux pays n’aient eu l’idée de les relier par le tunnel. Ultérieurement ce fut un triangle avec New York, la cité de mes rêves matérialistes. Oui, en ces temps là, je pensais aux affaires 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L’argent et le profit. Le profit et l’argent. Achetant plus que mes besoins. J’étais dans une relation avec mes objets et mes images visuelles, pas avec des êtres humains. Je n’étais pas une écrivaine ou créative. J’ai honte de confesser ma passion matérialiste de cette époque. Je ne comprenais pas que “moins, c’est plus “.
L’odeur enivrante des marrons chauds du Boul’mich en automne, des effluves émanant des boulangeries tôt le matin, de croissants tièdes et croustillants que seuls les français savent confectionner.
Oh comme mon fixe du matin me manque: mon café filtre - sans tremper mon croissant! Jamais! Je suis anglaise! Enfin pas complètement.
La balades romantiques chez les bouquinistes le long de la Seine, à la recherche de la perle rare : la première edition dans le chaos littéraire excitant du vieux et du neuf. Admirant la glorieuse Eglise de Notre-Dame et la boutique avoisinante “Shakespeare et company “, librarie fondée par George Whitman en 1951 et rebaptisée en 1964, devenue incontournable.
La rive gauche avec ses odeurs de café et le cliquetis des tasses et le sifflement familier des machines à Montparnasse au Sélect, au Dôme ou à la Coupole. Ou dans un autre quartier de cafés, à St Germain, aux Deux Magots ou, juste à côté, au Café de Flore.
Je traînais vers chez moi, au Sélect, où je rencontrai Arlene, qui devînt ma meilleure amie pour toujours.
Comme elle me manque: c’était une américaine atypique, une artiste et une poétesse. Une New-Yorkaise, Arlene Hiquily. Disparue!
Willy Maywald, le photographe de mode et ses salons s où tout le beau monde créatif accourait le samedi soir. Où j’appris à me présenter avec assurance à de complets inconnus, où j’appris à discuter plus en profondeur et à reconnaître ceux qui pratiquent t ce qu’ils prêchent. Disparu!
Oui, je devins une snob culturelle, un vautour assoiffé de connaissance et d’éducation en matière culturelle.
Je me lançais dans le négoce international d’objets de collection et débutais ma vie professionnelle à Paris à une époque où les affaires rimaient avec plaisir et insouciance. Ces jours-là sont révolus mais leurs souvenirs demeurent.
Si je devais revivre ma vie et choisir une ville, ce serait Paris.
Une ville où l’on peut toujours retourner.
Vive Paris !
Écrit à l’hôtel Casa Isabel, Carthage, Colombie.
Le 26/1/18.
Traduction Kate Forrester
www.thehappyandcreativelife.com